GABON
LIBREVILLE, 16 août (AFP)
Les mauvais résultats au bac 2004 soulignent le faible niveau scolaire au Gabon
"Les résultats du bac ont toujours été mauvais au Gabon, pourquoi décide-t-on de le faire repasser?", s’interroge Gautier, tout juste bachelier, après l’annonce d’une deuxième session exceptionnelle du baccalauréat gabonais en raison de résultats catastrophiques.
Gautier, 20 ans, qui fait partie du tiers de candidats à avoir réussi l’examen en 2004 craint que cette "seconde chance" accordée aux recalés ne fasse perdre de la valeur à son diplôme.
L’idée de cette deuxième session vient du président Omar Bongo Ondimba, au vu des résultats 2004: 35% de réussite. Elle aura lieu du 24 septembre au 1er octobre prochains pour les seuls recalés de juillet, vient de décider le Conseil des ministres et se déroulera dans les mêmes conditions, assure-t-on au ministère de l’Education nationale.
Pour une partie des professeurs elle ne changera rien au fond du problème: la baisse constante et ancienne du niveau scolaire au Gabon. En 2003, seuls 40% des candidats avaient été admis.
"La deuxième session, c’est une +session sociale+. La première prouve le niveau réel de l’enseignement gabonais", estime le secrétaire général de l’Organisation syndicale des professionnels de l’Education nationale (OSPEN), Paul Moussavou Mambo.
"Le premier constat a été fait en 1983, mais n’a pas été pris en compte", explique-t-il.
La mesure ne peut être que "ponctuelle", estiment les syndicats, même si le procédé a déjà été employé à deux reprises, dans les années 80 et 90, rappellent-ils. Et certains voient dans la décision de cette année l’ombre de l’élection présidentielle de 2005.
A l’origine de la dégringolade du niveau scolaire, le "chaos total", selon les termes du secrétaire général de l’OSPEN, règnant dans le système éducatif et marqué par un manque de professeurs et de structures, et des classes surpeuplées.
Selon le ministère de l’Education, il manque 611 profs dans cet ancien "émirat pétrolier", peuplé d’à peine un million d’habitants.
Un "chaos" dont l’année 2003-2004 aura montré l’étendue, avec plusieurs jours de violences inter-établissements en février et un scandale dans le plus grand lycée du Gabon, où inscriptions et notes se monnayaient contre argent ou faveurs sexuelles.
Le gouvernement a réagi en fermant deux mois l’établissement, le Lycée technique national Omar Bongo (LTNOB).
Deux mois sans cours, ajoutés aux conditions d’étude particulièrement difficiles dans des classes pléthoriques pouvant atteindre 100 élèves, dont certains n’ont pas eu de professeur dans certaines matières durant toute l’année.
Alexia, 19 ans, élève au LNTOB, mal préparée, a sans surprise échoué au bac. Elle s’est laissée convaincre par ses parents de tenter à nouveau sa chance en septembre, et s’est inscrite dans un cours privé pour les vacances.
Outre la "session de la deuxième chance", le Conseil des ministres a décidé "une large concertation sur l’efficacité (du) système éducatif" en décembre.
"On retombe dans la +gabonite+, la +parlotte+; ça va déboucher sur l’annonce de grands principes, mais derrière, c’est du vent", réagit le porte-parole du syndicat Force de réflexion et d’action pour l’enseignement supérieur (Frapes), Tom Mambenga.
Car pour Gautier et les autres bacheliers, les difficultés sont loin d’être terminées, avec un enseignement supérieur également en crise.
"On n’est pas contre la mesure (la 2ème session, ndlr), mais où vont aller les enfants qui obtiendront le bac?", s’interroge le Syndicat de l’Education nationale (Sena).
A l’étranger, "notre Etat n’est plus en mesure de payer les bourses" et "il n’y a plus de place à l’UOB" (Université Omar Bongo de Libreville), théâtre depuis des années des grèves étudiantes ou enseignantes à répétition poursuit-il.
Source : http://www.courrierinternational.com