"Au Mali, une fille sur deux ne va pas à l’école…."
IPS News – [29/11/03]
Le gouvernement et l’UNICEF lancent un appel au partenariat pour la scolarisation des filles
Almahady Cissé
BAMAKO, 29 nov (IPS) – ”Au Mali, une fille sur deux ne va pas à l’école…,les filles abandonnent aussi beaucoup plus l’école que les garçons à partir de la troisième du primaire”, selon le coordinateur résident des Nations Unies dans ce pays d’Afrique de l’ouest, Jocelyne Basile.
Basile procédait au lancement de l’appel pour un partenariat en faveur de l’éducation des filles, le 18 novembre à Bamako, la capitale malienne.
Selon le ministre malien de l’Education nationale, Mohamed Lamine Traoré, cet appel fait suite à un constat : ”Avec un taux brut de scolarisation de 57,8 pour cent en 2000 dont 46 pour cent de filles, on constate un faible taux d’achèvement au niveau du premier cycle de l’enseignement fondamental de l’ordre de 43,4 pour cent pour les filles et 53,5 pour cent pour les garçons”.
Cette situation, de l’avis du psychologue Adama Touré, s’explique par ”l’étendue de l’aire de recrutement – qui est l’une des difficultés majeures du système éducatif en matière d’action”.
Lorsque l’aire de recrutement est grande, les élèves (filles) des villages les plus éloignés de l’école rencontrent des problèmes de déplacement, de logement et de nourriture. Dans une telle situation, aux yeux des parents, la petite fille est moins indiquée que le garçon pour aller à l’école, soutient Touré.
Au regard de cette triste réalité, le ministre de l’Education nationale s’est, lui-même, posé la lancinante question : qu’est ce qui explique cette situation et qui fait qu’on n’avance pas depuis quarante ans?
Un ancien instituteur à la retraite, Ali Keita, a donné son avis à IPS : ”Au Mali, les gens ne veulent pas que les filles étudient, parce qu’une fois que la fille va à l’école, elle sera dénaturée; elle refusera de mener une vie paysanne et elle partira du village…,les parents n’aiment pas, d’une manière générale, les filles instruites, car ils pensent qu’elles n’ont pas de considération pour eux”.
Pour les Maliens ordinaires, ”La fille scolarisée n’est pas maîtrisable”, explique un vieil homme. ”Elle va vouloir choisir elle-même un mari qu’elle rencontrera ailleurs, dans la rue ou à l’école, ce qui est en contradiction avec le principe du don en mariage”, poursuit-il.
Pour Diarra Ami Touré, coordinatrice d’une organisation non gouvernementale (ONG) locale qui s’occupe de la promotion de la petite fille, le problème vient des femmes elles-mêmes : ”Nous avons constaté que dans certains villages, chaque fois que les hommes décident que les filles aillent à l’école, les femmes s’opposent parce que ce sont elles qui les aident dans les travaux ménagers”.
Au Mali, comme dans la plupart des pays africains, depuis la tendre enfance, la fille est destinée ou soumise à l’apprentissage de trois principaux rôles que la société traditionnelle réserve aux femmes : le rôle d’épouse, de mère et de maîtresse de maison. C’est ainsi qu’elle est censée restée aux côtés de sa mère pour être mieux préparée à jouer ces rôles.
Traoré Oumou Touré, secrétaire exécutive de la Coordination des associations et ONG féminines du Mali (CAFO), fait sien l’adage selon lequel ”Eduquer une fille, c’est éduquer toute une nation”. Pour elle, il ne saurait avoir de développement durable sans la participation des femmes.. ”Pour pouvoir jouer pleinement ce rôle d’actrice du développement de sa communauté, voire de son pays, il faut qu’elles soient outillées”.
C’est pourquoi Oumou Touré indique que son organisation, en collaboration avec le ministère de l’Education ainsi que celui de la Femme et de l’Enfant et les partenaires comme l’UNICEF, a mis en place des structures d’encadrement des jeunes filles – aides ménagères – et des séances d’alphabétisation des femmes.
”Au Mali, huit femmes sur 10 ne savent ni lire ni écrire, alors qu’elles constituent le moteur essentiel de tout développement humain durable”, déplore la ministre malienne de la Femme et de l’Enfant, Berthe Aissata Bengaly.
A la cérémonie de lancement du partenariat, Basile des Nations Unies a déclaré avec indignation : ”La scolarisation des filles n’est pas un vœu, mais un impératif”. Il est vraiment temps d’agir maintenant, a-t-elle ajouté.
C’est au Forum mondial sur l’éducation, organisé en 2000 à Dakar, au Sénégal, que la communauté internationale, et le Mali en particulier, se sont engagés pour les objectifs de l’éducation pour tous. Ces objectifs comportent deux échéances : la première concerne la réalisation de la parité filles-garçons en 2005, et la seconde vise la scolarisation universelle en 2015, avec un taux de 100 pour cent.
C’est pour répondre à ces défis que le ministère de l’Education du Mali et l’UNICEF ont lancé un appel au renforcement du partenariat à l’endroit des partenaires techniques et financiers, des ONG et associations et de tous les intervenants concernés par la question de l’éducation des filles. L’objectif est de relancer des initiatives, renforcer les interventions et de mettre notamment en synergie les actions des uns et des autres dans ce secteur.