La nouvelle loi sur l’immigration en Allemagne favorise les étrangers "hautement qualifiés"
LE MONDE | 10.07.04 | 12h06
La réforme, adoptée grâce à un compromis entre droite et gauche, impose aux immigrants de suivre des cours de langue et d’instruction civique. L’apologie de la violence expose à l’expulsion
Francfort de notre correspondant
Attendue depuis quatre ans, la nouvelle loi sur l’immigration, qui devait notamment favoriser l’arrivée de scientifiques, a été définitivement adoptée, vendredi 9 juillet, avec le vote du Bundesrat (Sénat).
Entre-temps, elle a fait l’objet d’un compromis entre la coalition sociale-démocrate-verte au pouvoir et l’opposition conservatrice, qui a renforcé les dispositions sécuritaires. "Elle n’est pas devenue la loi que nous voulions. Mais c’est une loi avec laquelle nous pouvons travailler", a expliqué le chancelier Gerhard Schröder, vendredi, à l’ouverture du séminaire gouvernemental de Neuhardenberg, sans exclure des "changements supplémentaires" ultérieurs. Voici les principales dispositions, qui entreront en vigueur en 2005.
Immigration du travail :
portes ouvertes aux cadres supérieurs et aux investisseurs. Les étrangers "hautement qualifiés" (informaticiens, ingénieurs…) recevront désormais un permis de résidence illimité dès lors qu’ils ont une proposition d’emploi. Les membres de leur famille seront autorisés à travailler immédiatement. Les étudiants étrangers ayant obtenu un diplôme en Allemagne pourront y rester un an de plus pour chercher un emploi.
Les entrepreneurs qui investissent personnellement au moins un million d’euros et créent au moins dix emplois pourront recevoir un permis de séjour. Le gel de l’immigration est maintenu, en revanche, pour le personnel "non qualifié" et "peu qualifié".
Asile :
nouveaux motifs reconnus. Conformément à la législation européenne, le statut de réfugié sera aussi accordé aux victimes de persécutions non étatiques.
La loi reconnaît des persécutions de type sexiste, lorsque des "menaces sur la vie, l’intégrité physique ou la liberté elle-même" de la personne sont menacées.
Permis de séjour dans les cas particuliers :
les étrangers sans statut mais non expulsables dans les dix-huit prochains mois recevront un permis de séjour. Ce permis ne sera pas accordé en cas de "faute", par exemple, dissimulation d’identité.
A la demande des commissions régionales d’examen des cas particuliers, les autorités de chaque Land pourront accorder des permis de séjour pour raisons exceptionnelles. Les Lãnder qui ne disposent pas de telles commissions pourront en créer.
Intégration :
obligation de suivre des cours. Les immigrants qui s’installent durablement devront suivre un programme de 300 heures de cours de langue et d’instruction civique et sociale. Les étrangers déjà installés en Allemagne devraient également recevoir des cours, au rythme de 50 000 à 60 000 personnes formées par an.
L’absence aux cours sera sanctionnée pour les nouveaux immigrants : elle pourra occasionner une réduction de 10 % de l’aide sociale sur la durée de l’absence et sera prise en considération lors de la prolongation du permis de séjour.
Sécurité :
les expulsions facilitées pour les terroristes présumés ou en cas d’apologie de la violence. Les passeurs de clandestins condamnés à des peines de prison ferme seront automatiquement expulsables.
Un étranger pourra être expulsé sur la base d’une "prévision de dangerosité fondée sur des faits". Un seul recours contre cette décision : le tribunal administratif fédéral. Si l’expulsion est impossible (risques de torture, peine de mort), l’étranger sera tenu à des obligations de présentation, des restrictions de circulation et des interdictions de communiquer.
La loi prévoit l’expulsion des étrangers appartenant à une mouvance soutenant le terrorisme ou apportant leur appui à cette mouvance.
S’il y a trouble à l’ordre et la sécurité publique, une expulsion peut être décidée au cas par cas pour un étranger ayant "publiquement, dans une assemblée ou par la diffusion d’écrits, approuvé ou fait la publicité de crimes contre la paix, crime de guerre, crime contre l’humanité ou des actes terroristes d’une importance équivalente" ou bien "qui excite à la haine contre une partie de la population, qui invite à la violence ou à des mesures arbitraires contre elle, ou qui porte atteinte à la dignité humaine des autres, en ce qu’il insulte, agit de façon malveillante ou méprisante ou calomnie".
Adrien de Tricornot
• ARTICLE PARU DANS L’EDITION DU 11.07.04
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