L’État débourse des milliers de dollars par an
A qui profitent les bourses à l’étranger ?
Combien de bourses d’études à l’étranger l’Etat accorde-t-il chaque année aux étudiants et chercheurs ? Quelles sont ces célèbres universités qui accueillent nos petits génies ? La générosité de l’Etat profite-t-elle à tous les jeunes Algériens qui ont excellé dans leur domaine ou seulement à une minorité d’avantagés qui se recrutent parmi la jet-set algéroise et les rejetons de nos gouvernants ? Combien de milliards l’Algérie débourse-t-elle pour financer ces bourses à l’étranger ?
A ces questions brûlantes, les réponses de l’administration concernée sont plutôt tièdes…Au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MESRS), censé filtrer ces envois, on précise bien que le système est « transparent depuis 2004 ». Pourquoi depuis 2004 et pas avant ? « C’est le président de la République qui avait décidé de supprimer les bourses à l’étranger pour les bacheliers à l’occasion de l’ouverture de l’année universitaire à Boumerdès », explique le chargé de communication de ce ministère, Djamel Benhamouda. Il refuse qu’on juge le ministère sur la période antérieure à cette fameuse décision présidentielle. « Je ne peux m’engager que sur les trois dernières années où il n’y a jamais eu de favoritisme dans le choix des bénéficiaires de bourses à l’étranger. » Et avant alors ? Notre interlocuteur n’en sait pas trop. Il faut donc retenir qu’aucun bachelier n’a été envoyé à l’étranger depuis l’année 2004. Il est bien sûr impossible de vérifier la véracité de cette assurance, tant les voies du système sont impénétrables. Les bourses sont, théoriquement, réservées aux seuls licenciés et majors de leurs promotions. Ainsi, 100 étudiants bénéficient chaque année de ce précieux sésame pour accéder aux célèbres universités du monde et y poursuivre leurs études aux frais de l’Etat. Ce ne sont bien sûr pas tous les majors de promo qui y ouvrent droit. Un concours national est organisé chaque année au mois de mars à travers le territoire national pour sélectionner les 100 heureux élus sous la supervision des conférences régionales des universités. Ces épreuves se déroulent le même jour dans les quatre régions du pays, mais avec des sujets d’examen différents. Le responsable du MESRS précise que l’opération se fait dans l’anonymat puisque « les copies ne portent pas de nom ». Une fois les épreuves écrites terminées, les candidats sont soumis à un test oral pour évaluer leurs aptitudes sous le regard savant des « professeurs ramenés de l’étranger ». Au ministère, on précise que la part du lion des 100 bourses annuelles – 40 à 48% – revient aux majors licenciés issus des universités du centre du pays. La raison est que c’est la région où il y a les plus grands effectifs d’étudiants. « Généralement, ce sont les candidats des filières techniques qui sont avantagés, du fait que notre pays souffre d’un déficit d’encadrement », fait remarquer le chargé de communication du ministre. Ce modèle de sélection des boursiers serait tellement étanche qu’il ne permet aucune infiltration, à en croire les cadres du MESRS. Vrai ou faux ? Impossible de le savoir, tant on refuse de communiquer les noms de ceux qui en ont bénéficié, ne serait-ce que pour l’année 2007. Et pour cause, l’opération touche à sa fin et les 100 boursiers qui ont déjà terminé les procédures d’inscription s’apprêtent à recevoir leur billet d’avion pour s’envoler au pays où chacun est affecté. De la Chine aux USA en passant par la France, l’Italie, le Liban, le Canada et l’Egypte, toutes les célèbres universités du monde qui font rêver les millions d’étudiants sont, sur papier, à la portée des licenciés algériens. Mais quand on observe ces autres majors, ayant obtenu une bourse et qui font le pied de grue chaque matin devant le portail du ministère à Ben Aknoun pour un hypothétique paraphe, la cause n’est jamais gagnée d’avance. « J’en ai marre de ce pays ! Voyez comment on me ballotte entre le ministère de l’Enseignement supérieur, le ministère de l’Intérieur et celui des Affaires étrangères pour une simple signature, alors que l’Union européenne m’a délivré son avis favorable pour une bourse ! C’est incroyable ! » Kamel qui est fraîchement diplômé vient plusieurs fois par semaine de Tigzirt (Tizi Ouzou) dans l’espoir de légaliser ses papiers pour enfin rejoindre son université. En vain. Comme lui, ils sont des dizaines à attendre, sous un soleil de plomb, qu’on veuille bien les recevoir. Samia, licenciée en sciences de l’information et de la communication, a connu elle aussi la grande désillusion. Major de sa promotion, on lui promit d’aller poursuivre ses études en France. Quelle ne fut sa surprise de se voir réorientée vers l’Egypte ou la Jordanie au niveau de la conférence régionale de Blida. Pis encore, de retour de France où elle était allée se renseigner sur son cas, elle découvre, stupéfaite, qu’elle n’avait plus droit au magistère et qu’elle avait perdu de facto sa bourse en Egypte ! Ceci pour ceux qui n’ont pu réaliser leur rêve d’aller vers un ailleurs meilleur. Quant à ceux qui ont la chance d’aller poursuivre leurs études à Oxford, Harvard, Georgetown, New Delhi ou Jakarta, il n’est pas sûr qu’ils reviennent. « Nous n’avons aucun moyen de rapatrier nos diplômés une fois leurs études achevées », atteste le porte-parole du ministère. Certains d’entre eux, dont 784 enseignants qui ont bénéficié de stages de long séjour (3 années), ont tout de même fait l’effort de revenir en 2003. Mais que représentent-ils par rapport à ceux qui ont pris racine dans les pays d’accueil ? Il est évident que le nombre de revenants ne représente pas grand-chose quand on sait que, chaque année, 520 enseignants et chercheurs bénéficient de stages de courte et moyenne durées pour préparer leurs thèses de magistère et de doctorat dans des universités étrangères. Ces enseignants coûtent mensuellement 1400 et 1700 dollars US au Trésor public. Mieux, comme cerise sur le gâteau, ces heureux bénéficiaires jouissent dans le même temps et durant toute la période de leurs stages de leur salaire d’enseignant en Algérie. Y a-t-il un moyen de dénicher les étudiants qui sèchent les cours et profitent des séjours au frais de la princesse ? Au ministère, on rassure que, chaque année, l’étudiant est tenu d’envoyer une attestation de succès ou alors un exposé des motifs de son échec, faute de quoi la bourse est immédiatement annulée.
Hassan Moali
http://www.elwatan.com
30/07/07