Air Sénégal, la faillite?
Le constat fait par le Conseil d’administration est que même si la compagnie est rentable, il n’en demeure pas moins que la situation financière est fragile. Comme solutions proposées, il y a entre autres, le gel des salaires, la réduction des effectifs et le gel des investissements de 2007.
La situation financière d’Air Sénégal International est fragile. Pour pallier cela, son Conseil d’administration a demandé, selon des sources concordantes, le retour aux normes de l’industrie aéronautique. Avec 600 employés, le ratio de la filiale de la Royal Air Maroc (Ram) est aujourd’hui à 150 employés par avion. Ce qui constitue une déréglementation qui pourrait, à terme, engendrer une crise. Et lors du dernier Conseil d’administration tenu à Casablanca (Maroc), les administrateurs ont opté pour une remise à niveau des normes.
Raison invoquée par le Ca : la situation financière d’Asi est fragile. Les administrateurs ont rappelé, lors de la même réunion, le soutien financier apporté par la Ram en septembre 2006. Une enveloppe de 10 millions d’euros, soit 6,5 milliards de francs Cfa, avait été mise sur la table pour sauver Air Sénégal International qui était alors au bord du dépôt de bilan.
Toujours lors de ce Ca du 12 mars dernier, les trois administrateurs sénégalais (Maniang Faye, le Pca, Lamine Bâ de la présidence de la République et Mathiaco Bessane de l’Anacs) auraient proposé, contre toute attente, le gel des salaires et des investissements de 2007 et la réduction des effectifs, à la surprise générale de la partie marocaine. Une opportunité saisie par ses administrateurs. Et comme le directeur général, le Marocain Mohamed El Yalaoui, est chargé d’appliquer la politique fixée par le Ca, il a opposé un niet catégorique à la demande des travailleurs sur l’augmentation des salaires d’autant plus que leur gel est avancé par les administrateurs sénégalais.
Le constat fait par le Conseil d’administration est que même si la compagnie est rentable, il n’en demeure pas moins que la situation financière est fragile. Demander le gel des investissements est synonyme de dépôt de bilan d’autant plus que la compagnie est aujourd’hui sous capitalisée. Réduire le ratio personnel/avion est aussi synonyme de plan social. Et les pertes enregistrées par jour sont estimées à 200 millions de francs Cfa. Sur la desserte Dakar-Milan, dont l’arrêt définitif est prévu en fin mars courant, c’est 1,4 milliard de francs de pertes qui a été enregistré entre 2006 et le premier trimestre de 2007. Air Sénégal a aujourd’hui besoin d’investissements en termes de flotte, de pièces de rechanges, de matériels d’escale et de fournitures d’équipements.
N’empêche, les travailleurs d’Asi exigent une revalorisation des salaires jugés très bas par rapport aux autres compagnies de la plate-forme aéroportuaire. Ils seraient inférieurs de 35 %, selon une source digne de foi. La plate-forme revendicative des travailleurs insiste sur la revalorisation des salaires, la régularisation de la situation des intérimaires et prestataires de service, ainsi que la refonte de l’organigramme sur lequel reposent les nominations.
S’étant rendu compte de leur erreur, les administrateurs sénégalais ont eu, dimanche soir, une séance de travail avec les délégués, la direction générale de Asi et le ministre de tutelle. Acculés, ils ont fait volte-face, à en croire une source ayant participé à la réunion. Ils ont alors demandé au Dg d’augmenter les salaires. Ce que ce dernier n’entend pas faire, sans l’accord du Maroc. La décision doit être validée par le Ca. Face à cette situation, les travailleurs ont déclenché une grève. Le personnel navigant commercial (Pnc) et le personnel au sol ont suivi le mouvement. Aucun vol n’a été donc enregistré hier.
Selon les travailleurs, les administrateurs sénégalais doivent avoir une expertise dans le transport aérien commercial, et que l’Etat ait une vision sur Asi. Les cadres ne cessent d’accuser la maison mère, qui ‘définit’ la politique de sa filiale, de vouloir asphyxier Asi. Selon le coordonnateur des délégués du personnel de la filiale de la Ram, Moustapha Diakhaté, qui s’exprimait récemment lors d’un point de presse, ‘la Ram a régné en maître pendant plus de cinq ans. On avait l’impression qu’elle détenait les 100 % des actions’. ‘Au lieu de jouer un rôle de complémentarité, elle joue le rôle de concurrent déloyal. La direction nationale définit le programme des vols sans tenir compte des contraintes et des besoins nationaux, quitte à négocier les prises en charge d’une contrepartie équitable pour tenir compte de la mission de service’, avait renchéri Baïla Sow, un ancien d’Air Afrique, secrétaire général du Suttaaas.
Les travailleurs pensent que les termes du contrat qui lient le Maroc au Sénégal, depuis février 2001 (date de la création d’Asi), sont plus profitables au Royaume chérifien. Sous ce rapport, le ministre du Tourisme et des Transports aériens, Ousmane Masseck Ndiaye, avait demandé, lors de la dernière revue de la coopération Sénégal-Maroc, la révision du partenariat. La tutelle ne comprenait pas le fait que la Ram effectue quatorze vols par semaine sur l’axe Casablanca-Dakar, et que sa filiale n’en fasse pas autant.
Les syndicalistes, qui ont entamé, depuis hier, une grève de 48 heures, sont conscients des difficultés que traverse aujourd’hui la compagnie. ‘Air Sénégal International est aujourd’hui plombée par des dettes’, a soutenu Moustapha Diakhaté, le coordonnateur du collège des délégués de la compagnie.
D’autres sources proches de la direction s’inscrivent en faux contre de telles allégations. ‘Aucun administrateur sénégalais n’a demandé le gel des salaires et des investissements, et la réduction des effectifs. C’est le Ca, en entier, qui a affiché sa volonté de revoir le ratio pour se mettre aux normes standard de l’industrie aéronautique. On ne peut pas dire que les administrateurs sénégalais n’ont pas défendu les intérêts de l’Etat sénégalais’ , ripostent-elles.
Écrit par Walf
01-03-2008
Source: http://www.tunisieaffaire.com